De nos jours, nombreuses sont nos interactions sociales basées sur les rapports de force. Dans la plupart des débats animés, vous avez certainement remarqué à quel point les participants cherchent davantage à convaincre qu’à écouter les arguments de la partie « opposée ». S’ensuit des jugements de valeur sur un ton d’agressivité. Il en va sans dire qu’il est difficile de trouver un terrain d’entente quand chaque individu vocifère dans son coin.
Face à ce constat, la Communication Non Violente (appelée aussi CNV) est un outil de communication verbal qui vise à transformer les conflits en simples dialogues.
Sans revenir dans l’exemple des débats animés, de façon générale, dans la relation aux autres, nous sommes tous confrontés à nos besoins. Et comme nous ne savons pas les reconnaître, et encore moins les écouter, nous avons tendance à les étouffer. Alors forcément, il est difficile de prétendre avoir une bonne écoute de l’autre, si nous ne savons pas le faire pour nous-même. Pour y parvenir la CNV propose d’apprendre le principe d’une communication dépourvue de toute violence. La pratique permet de renoncer à tout jugement de l’autre pour sentir ce qui se passe en soi, tout en favorisant une collaboration mutuelle.
La CNV permet de sortir des jeux de pouvoir, c’est-à-dire arrêter de chercher « qui a raison » ou « qui a tort » et ne plus s’enfermer dans un processus horizontal mais plutôt arriver à une véritable interaction en identifiant le « comment fait-on pour mettre au point une stratégie win-win » !
Généralement, pour mieux l’expliquer aux enfants, on utilise deux mascottes : le chacal et la girafe. Toutefois, la CNV peut convenir à toute personne (tout âge confondu) désireuse de communiquer avec plus d’authenticité et d’efficacité dans le cadre de ses relations personnelles, familiales, ou sociales/professionnelles. Les sujets qui se laissent facilement dépasser par leurs émotions en tireront d’énormes bénéfices.
Présentation des mascottes de la CNV
Le chacal s’exprime avec violence et beaucoup de jugements. Selon lui, chaque désaccord suppose un gagnant, un perdant et une sanction. Il veut entendre des excuses s’il considère que l’autre a « tort » dans un conflit qui les oppose. Son langage non-verbal revient à lever les yeux au ciel ou à faire des grimaces.
La girafe est devenue le symbole de la communication non-violente car c’est l’animal terrestre qui a le plus grand cœur. Elle favorise les échanges naturels et positifs, considère que tout le monde a le choix, dans toute situation, de faire ce qu’il souhaite et entend qu’il n’y a pas qu’une vérité.
La girafe nous apprend à :
- Observer (Plutôt que juger),
- Raisonner en termes d’émotions et de besoins insatisfaits (Plutôt que d’accuser ou encore de juger l’autre),
- Formuler des demandes non impératives (Plutôt qu’exiger),
- Faire preuve d’empathie, reconnaître les émotions et les besoins des autres,
chercher des solutions « gagnant-gagnant » (Plutôt que d’imposer son point de vue) à/aux autre(s).
Ainsi, plutôt que d’accuser l’autre de tous les maux, la girafe s’exprime de la façon suivante : « Quand tu fais (telle chose), je me sens (citer l’émotion qui entre en jeu) parce-que j’ai besoin de (préciser) ».
Par exemple : « Quand tu ne me regarde pas pendant que je parle, je me sens inexistante et ça me met en colère parce-que j’ai besoin d’être prise au sérieux ».
Afin de dépolariser une situation, de dépassionner une dispute ou tout simplement afin d’éviter que des conflits inutiles éclatent et que des mots blessants surgissent, il convient d’adopter les principes de la girafe dans nos relations aux autres.
En effet, parce qu’il y a autant d’être humain qu’il y a d’univers unique, nous interprétons la réalité avec nos propres filtres, or il est important de garder à l’esprit qu’autrui ne fonctionne toujours pas avec le même système de valeurs et qu’il ne nous appartient pas de changer les autres.
Comment chasser le chacal et incarner la girafe ?
Pour incarner la girafe, il est essentiel de se baser uniquement sur les faits en restant le plus objectif possible et éviter tout jugement ou reproche qui correspondent au mode Chacal. Il s’agit également de trouver le besoin non-satisfait qui se cache derrière la réaction du chacal.
La bonne question à se poser pour être une bonne girafe est :
« Est-ce que ce comportement sert la vie ? »
Pour y répondre, vous aurez besoin d’identifier les éléments suivants :
Les émotions + les sentiments + les besoins non satisfaits.
- Si l’émotion a une tonalité « positive », c’est qu’un besoin a été satisfait ; inversement, si l’émotion vous semble « négative », c’est que l’un de vos besoins n’a pas été satisfait ou que la manière d’y accéder est mis en péril.
Pour reprendre l’exemple cité précédemment « en langage girafe » : « Quand tu ne me regarde pas pendant que je parle, je me sens ridicule et ça me met en colère parce que j’ai besoin d’être prise au sérieux ».
Nous voyons ici l’identification claire de l’émotion (la colère), le sentiment (ridicule) et le besoin non satisfait (être prise au sérieux).
La dernière partie de la phrase « parce-que j’ai besoin… » permet d’attirer l’attention sur ce qui n’est pas comblé. Ici, la personne se sent en colère car elle n’a pas l’impression d’être prise au sérieux.
Bien que les besoins sont universels, nos stratégies de comblement, quant à elles, varient selon les individus. Cela signifie que nous n’avons pas tous la même manière de répondre aux besoins insatisfaits.
Une règle d’or en matière de développement personnel consiste à retenir que nous sommes tous responsables et créateurs de tout ce qu’on rencontre par conséquent l’autre n’est jamais le problème.
Avant d’approfondir le fonctionnement de la girafe, il peut être utile de nous arrêter sur les comportements du chacal, pour mieux les comprendre et être en mesure de mieux les dépasser.
Quelques exemples de comportements adoptés par le chacal
Un comportement est une façon, une manière d’agir dans des conditions données.
Vos comportements résultent de la somme de vos expériences, de vos croyances, de vos peurs ainsi que de vos besoins. Les comportements non adaptés, comme le manque d’affirmation ou l’agressivité, se déclenchent souvent en état de stress.
Il est important de différencier l’identité d’une personne de ce qu’elle fait. Le comportement ne détermine pas la personne qui l’adopte. Ainsi, il est plus juste de dire « X a un comportement agressif » plutôt que « X est agressif ».
C’est en favorisant l’écoute, la compréhension de soi et de ses mécanismes, tout en assumant la responsabilité de ses besoins et de ses émotions que l’on peut améliorer ses comportements.
Le comportement passif
Il s’agit ici d’une attitude qui ressemble à la fuite, l’évitement, le repli face aux personnes et/ou aux événements ou aux difficultés en général.
Exemple type de pensées : « Ne t’occupe pas de moi. Je ne suis insignifiant. »
La personne qui adopte comportement passif a tendance à mettre de la distance, à ne pas oser poser de limites, préférant se focaliser sur les besoins des autres plutôt que les siens. Elle nie l’existence des problèmes ou de ses propres sentiments.
Problématique : Ce type de personne a tendance à se plaindre et à se positionner comme victime. Une tendance à être « soupe au lait », assorti d’un fort sentiment de défaite et d’impuissance quand elle n’obtient pas ce qu’elle veut. Rancœur, frustration vis-à-vis d’elle-même et des autres. Perte d’estime de soi et d’énergie, angoisses, insomnies, peur, maux de tête… sont des symptômes assez récurrents.
Le comportement agressif
Ici on rencontre une attitude d’attaque qui a pour objectif une prise de pouvoir, prouver qu’on raison, faire plier les autres à se volonté.
Exemple type de pensées : « Voici ce que je pense et je sais ce que je dis. C’est comme ça et pas autrement (sous-entendu que tout ceux qui ne pense pas comme moi sont stupides) »
La personne au comportement agressif va avoir tendance à communiquer de façon très directe ses désirs, à chercher à intimider autrui en adoptant un ton de voix élevé, en interrompant ou en ayant recours à des images brutales. Elle ne prend pas en compte les droits et besoins des autres et les tient pour responsables de ce qui lui arrive. Elle peut être susceptible, prétentieuse, intolérante voire même méprisante. Elle remarquera les imperfections.
Problématique : Ce type de personnalité provoque la passivité ou l’agressivité chez ses interlocuteurs. Elle obtient souvent ce qu’elle veut et se croit respectée. En réalité, les autres la craignent et s’éloignent d’elle, ce qui peut entraîner un certain sentiment de solitude et la souffrance de ne pas se sentir aimée. Colère et tristesse gaspillent beaucoup d’énergie et peuvent à terme déclencher des maladies.
Le comportement de manipulation
Manipuler, c’est utiliser des méthodes de communication pour faire en sorte que votre interlocuteur réponde à ses propres besoins sans être clair sur ses objectifs.
Exemple type de pensées : « Je souffre à cause de toi. Après tout ce que j’ai fait pour toi… J’aurais tellement aimé que… »
La personne qui manipule tente de déstabiliser l’autre. Elle change de discours selon l’interlocuteur qu’elle a en face. Elle s’exprime de façon ambigüe, fait du chantage affectif en cherchant à culpabiliser l’autre. Elle fait porter la responsabilité aux autres sans les accuser franchement. Elle peut aussi se servir des informations données par l’autre pour atteindre un objectif personnel, élaborer des mises en scène, etc.
Problématique : Ce type de personnalité engendre généralement une forte méfiance chez autrui. Peu à peu, elle souffrira de la perte de sa crédibilité et de la prise de distance des autres. Manipuler est un comportement énergivore qui provoque beaucoup de stress puisqu’il faut toujours songer à ce que l’on a dit aux autres.
Maintenant que nous avons identifié les comportements du chacal, voyons comment faire pour se mettre dans la peau d’une girafe.
Les 4 étapes de la CNV
Pour communiquer, la girafe passe par les 3 tamis suivants :
Prenons l’exemple d’une femme dont la meilleure amie a oublié sa date d’anniversaire. Dans son échelle de valeurs, les anniversaires sont importants et elle vit cet oubli comme une profonde blessure, comme si elle ne « comptait pas » aux yeux de sa meilleure amie.
Le chacal accuserait directement sa meilleure amie en lui disant : « Je ne compte pas pour toi, tu es égoïste, tu as oublié de me souhaiter mon anniversaire ! »
La girafe va passer par 4 étapes :
- Observer les faits:
« Mon amie a oublié de me souhaiter mon anniversaire » - Identifier son sentiment:
« Je me sens en colère » - Exprimer son besoin:
« J’ai besoin de sentir que je suis importante pour elle » - Faire un pas et formuler une demande:
« Quand tu oublies de me souhaiter un bon anniversaire, je me sens en colère, car je tiens à toi et j’ai besoin de sentir que je suis aussi importante pour toi ».
C’est en s’abstenant de formuler une accusation directe liée à ses propres valeurs que la girafe laisse le champ libre à son amie pour s’exprimer.
Il est possible que son amie confie le fait que dans sa famille, les anniversaires n’ont jamais eu d’importance et qu’elle n’imaginait pas que cela pouvait être si important pour sa meilleure amie. Autre cas possible, il se peut que la meilleure amie en question ait dû faire face à un problème de taille ce jour-là qui lui a fait oublier tout le reste.
Vous voyez bien la différence entre les 2 modes de communication : en s’exprimant avec le mode de communication de la girafe (et non celui du chacal), la porte s’ouvre à la discussion. Au contraire, en portant des accusations directes, il y a de grandes chance pour que les sujets concernés entrent en conflit.
Dans la plupart des échanges qui contrarient, on a tendance à oublier que les échelles de valeurs varient grandement selon les individus.
Vous l’avez compris, la communication non violente s’attache à instaurer des relations basées sur une coopération harmonieuse, sur le respect de soi et autrui. Cet outil de communication verbale est recommandé pour la résolution de conflits et permet de développer une meilleure relation à soi. Son objectif premier vise à communiquer avec plus d’authenticité.
L’outil est simple, mais très éloigné de nos communications classiques, c’est pourquoi il demande une pratique régulière que je vous encourage vivement à expérimenter le plus souvent possible.