« Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable, donc impopulaire ». Carl G. Jung

Dans cette vidéo, je vous parle de « l’ombre », cet archétype qui représente, selon la psychologie analytique de Carl Jung, le “côté obscur” de notre personnalité (étroitement lié au concept de l’inconscient formulé par Freud) Nous allons donc aborder l’ombre qui nous fait peur, celle qui nous intrigue… L’ombre qui correspond à tout ce que l’on a refoulé dans l’inconscient par crainte d’être rejeté par des personnes qui ont joué un rôle déterminant dans notre éducation (par exemples : nos parents, des figures d’attachement comme nos grands-parents, certains professeurs, etc.).

Comme nous avons tous eu peur de perdre l’affection de nos proches à un moment donné, en les décevant ou en créant un malaise par certains de nos comportements ou certains aspects de notre personnalité, nous avons discerné très tôt ce qui était acceptable de ce qui ne l’était pas. Et dans ce souci de plaire à nos proches, nous avons confié des parties de nous-même « à l’étage de l’inconscient ».

Ainsi, soucieux d’être appréciés d’autrui, nous nous sommes montrés aimables, polis, gentils, courtois, etc. et nous avons refoulé tout ce qui pouvait paraitre anormal, honteux et répréhensible, etc. Toujours dictés par les besoins universels que sont le besoin de reconnaissance et le besoin d’être aimé, nous nous sommes conformés aux exigences et aux règles dictées par notre environnement. C’est alors que nous nous sommes investis à cacher ce qui semblait déplaire à nos proches. Et c’est de cette manière que nous avons construit un monde parallèle souterrain peuplés de refoulements accumulés depuis très longtemps. Toute cette énergie volcanique sous-jacente constitue notre ombre ; une ombre qui menace de surgir à n’importe quel moment ; une ombre exigeant d’être reconnue et utilisée en réussissant à parvenir « à l’étage du conscient » !

Ça n’est donc qu’en osant regarder notre ombre et en lui réservant notre meilleur accueil qu’il devient possible de dialoguer avec elle pour la réintégrer et révéler sa puissance créatrice (d’où le titre de cette vidéo : le côté obscur de la force !)

Comprenant cela, il est vain d’espérer devenir une personne complète qui prétend se connaitre sans passer par un travail de reconnaissance de son ombre. Celui-ci suppose de récupérer des parties de soi refoulées par peur de rejet social. A l’inverse, c’est-à-dire sans cette réintégration de l’ombre, tout individu s’expose au stress, à la déprime, à l’insatisfaction permanente, à la jalousie, à des colères excessives, des obsessions et autres problèmes de dépendances qui trahissent des reflets de l’ombre.

On peut dire que si l’ombre n’est pas reconnue, elle crée des obsessions et des projections sur autrui. Par projections, disons que les traits ou les qualités qu’une personne refuse de voir en elle seront attribués à d’autres, c’est ce qui fait qu’elle aura tendance à idéaliser ou à mépriser les autres… Ce qui créent rapidement des conflits et une difficulté à aimer l’autre (dans le second cas). J’évoque plus largement ce principe de projection de nos ombres dans ma vidéo intitulée : « L’univers fait partie de nous » : https://www.youtube.com/watch?v=hSxYDWQoq4Q&t=1s _ Phénomène que Franck Lopvet exprime à merveille quand il dit, je cite : « Nous sommes des êtres de boue et de lumière, l’un ne va pas sans l’autre ». Il est clair que le simple fait de prendre conscience de nos projections sur les autres permettent d’améliorer grandement nos relations.

C’est ce que vient faciliter tout travail personnel. Parmi les pionniers de la psychologie des profondeurs, Carl Gustav Jung, à qui l’on doit, entre autres, les concepts d’« inconscient collectif », d’« archétypes », d’« individuation », de « synchronicité », etc. a utilisé des tas d’expressions pour qualifier l’ombre :  tantôt il parlait du côté ombrageux du psychisme, tantôt du « soi réprimé » ou encore « alter égo », on retrouve dans ses expressions « le côté sombre de soi », « le soi aliéné », « l’autre nous », « l’inférieur répréhensible », « l’autre qui nous embarrasse et nous fait honte », « le côté négatif de la personnalité », etc. Et bien que l’ombre paraisse incompatible avec les idées reçues et les valeurs de tel ou tel milieu, elle n’est pourtant pas quelque chose de mal en soi. Comparable à une lumière, le « moi conscient » produit une aire obscure inconsciente : l’ombre (aire qui entre nous soit dit est bien mieux perçue par les autres que nous-même puisque nous refusons de la voir la plupart du temps).

Toutefois, il existe une autre manière de découvrir notre ombre, c’est ce qui se produit lorsque l’on décide de faire une analyse de nos rêves avec un professionnel car l’ombre s’invite la nuit pour rétablir une part de la vérité (d’où certains symboles terrifiants que l’on rencontre au cours d’un rêve).

Jean Montbourquette dans son excellent livre intitulé « apprivoiser son ombre » écrit, je cite : « Si l’égo est l’endroit conscient de la personne, l’ombre en est l’envers inconscient ».

Il explique que l’ombre puisse relever de la famille, l’institution ou la nation, rappelant que les familles transmettent des valeurs et des convictions positives tout autant que des zones d’ombres de refoulements collectifs. Et parmi les nombreux exemples d’injonctions familiales construite à partir d’une formulation négative, on retrouve celles-ci :

Ne sois pas toi-même ; Ne sois pas un enfant ; Ne sois pas intime dans tes relations ; Ne pense pas ;  Ne ressens pas… Injonctions qui ont eu une influence évidente sur la création de l’ombre chez l’enfant.

Mais je crois qu’il est difficile de comprendre l’ombre quand on ne connait pas la signification de la « persona » (également appelé « égo-idéal).  Je vous invite d’ailleurs à visualiser ma précédente vidéo intitulée : « Mettre un peu de clarté derrière les notions d’égo, conscient, inconscient, personnalité » (https://www.youtube.com/watch?v=IiO23dbqICY) dans laquelle je tente d’expliquer aussi clairement que possible toutes ces notions.

Pour aller à l’essentiel, disons que depuis C. G. Jung, le terme « persona » signifie plus précisément « le moi social » qui résulte des efforts d’adaptation déployés pour se conformer aux normes sociales, aux normes morales et éducationnelle de son milieu. La persona rejette de son champ de conscience tous les éléments (émotions, traits de caractère, talents, attitudes) jugés inacceptables pour les gens importants de l’entourage. De ce fait, elle produit sa contrepartie à l’étage de l’inconscient (que l’on appelle l’ombre). A partir de ce constat, on peut facilement penser que le développement de la persona chez un individu crée une problématique évidente : en jouant les rôles sociaux qui nous sont imposés, nous courons le risque de cacher notre véritable identité (aussi appelée « voie intérieure »). Et sans aller jusqu’à la perte totale de notre identité, l’activité de « la persona » crée une opposition entre le « moi social » et le « moi intime » puisque « la persona » s’efforce de s’adapter à la société dans laquelle elle évolue. Par conséquent, le « moi intime » perdant son importance, part alors se cacher dans l’ombre pour laisser la place à « la persona » (toujours inquiète de se conformer au monde extérieur).

C’est ce qui explique notre difficulté entre le besoin de nous adapter à notre milieu sans pour autant négliger le développement de notre « soi intime ».

Pour bien mettre en évidence la polarisation des qualités de la persona et de l’ombre, je vous propose l’illustration suivante extraite du livre « apprivoiser son ombre » :

Exemple de polarisation de qualités de la persona et de l’ombre

En conscience du mécanisme de création de l’ombre, il est naturel que tout parent s’interroge autour de l’éducation à offrir à ses enfants. Retenons la principale « ligne de conduite à suivre » dans la socialisation de l’enfant : elle doit être orientée de manière à respecter les aspirations profondes du « moi intime » de l’enfant car la nécessité de se bâtir un « moi social » engendre automatiquement la formation d’une ombre. Le simple fait de penser éduquer un enfant en essayant d’éviter la création d’une ombre relève de l’utopie.

Ce qui est plus problématique c’est la création d’un « faux moi » (ou « faux self »). Pour bien comprendre, je reviens sur la fonction de « la persona » : celle de permettre à l’individu de s’adapter aux exigences de son milieu social et de l’aider à se comporter en conséquence, mais il arrive que l’adaptation au milieu se révèle pathogène. C’est dans ce contexte que l’on parlera de « faux moi ». Ce phénomène se développe dans la relation primaire avec la mère. Par exemple, si l’enfant subit trop de frustrations, son adaptation au monde se fera sur un mode défensif. S’il découvre, chez sa mère ou ses éducateurs, une série de réactions incohérentes, il cherchera à se défendre contre un monde qu’il ressent comme menaçant ou intrusif. Dans ce cas, le développement du « moi social » (persona) s’arrête pour laisser place à une « persona armure » (« faux moi » ou encore « persona pathogène ») car l’individu concerné n’ose plus exprimer ses émotions et sentiments, à l’exception de ceux qu’il croit acceptables par ses éducateurs. Notons que la « fausse persona » favorise une ombre très profondément enracinée dans l’inconscient et très virulante.

De façon générale, chaque fois que l’on refoule une émotion, une qualité, un trait de caractère ou un talent, cela revient à jeter ces facettes de nous-même… qui sont autant de parties de nous qu’il faudra aller rechercher ensuite pour s’autoriser à développer des aspects que l’on a enterrés. Celui qui ne s’adonne pas à cette tâche de « recyclage » risque de se sentir bloquer, de ressentir un immense vide intérieur qui peut le mener à la dépression. Toute cette énergie psychique enfermée dans l’inconscient cherche à s’exprimer en s’en prenant à la personne via des formes diverses comme des obsessions ou comme évoqué plus haut, en venant se projeter sur des personnes autour de lui.

On peut alors se demander pourquoi une personne refoule un potentiel aussi riche dans l’inconscient ? Et bien tout simplement car elle cherche à survivre dans un milieu qui l’empêche d’être elle-même. Cette peur peut s’exprimer de différentes manières comme la peur de perdre l’affection de ses parents, ses proches ou encore, la peur d’être isolée, la peur du ridicule (d’avoir honte ou de ne pas être adéquate), la peur d’être en dehors des normes reçues, etc. Pour donner un exemple de torts causés par la peur d’être rejeté avec des enfants qui ont plus ou moins inhibés leur émotions/traits de caractère/talents, prenons par exemple le cas d’un enfant élevé dans une famille où le père devient très nerveux et colérique quand il y a du bruit, ici l’enfant comprend rapidement qu’il n’a pas le droit de se conduire en enfant qui crie, chante, joue…

Et parmi les autres contextes favorables au phénomène de refoulement, les changements de vie importants voir radical peuvent être cités : là où certaines personnes tentent de nier ce qu’elles ont été dans leur vie « d’avant ». Par exemple, certains anciens alcooliques jettent dans leur ombre leur passé en développant une intolérance très forte à l’égard de toute consommation d’alcool.

Enfin, je vous propose de découvrir une série d’interdits touchant l’expression de certaines émotions, traits de caractère ou talents : (Cette liste non exhaustive peut vous permettre de prendre conscience des refoulements cachés dans votre ombre)

Interdit autour des émotions : par exemple de ressentir de la tristesse/colère/peur, d’aimer le plaisir sexuel…

Ou des interdits portant sur l’intimité : se lier d’amitié, avoir une vie intime, faire confiance aux autres…

Interdits de devenir soi-même :

Ces interdits peuvent prendre la forme de se sentir interdit de grandir, de changer, de penser à soi, d’attirer l’attention, d’être une femme (ou un homme), d’être malade, d’avoir des loisirs, d’être original, d’être fière de soi, de se mettre à l’écart pour être seul, etc.

Interdits portant sur les apprentissages : apprendre (ou ne pas savoir ou de se sentir ignorant), de se distinguer des autres par ses talents (à travers la danse, la peinture, etc.), interdit d’être compétent (ou incompétent), de faire des erreurs (ou d’être intelligent, de réussir), d’avoir la foi, etc.

Interdits portant sur l’affirmation de soi : Interdit de demander (ou refuser ou exprimer) son opinion, d’avoir des projets, de se dire capable ou fier de soi…

Tous ces exemples d’interdits ont pour effet de freiner la connaissance et le développement des richesses personnelles. Pour les réintégrer en soi, il s’agit bien d’aller puiser ses ressources enfouies dans l’inconscient, en sachant faire preuve d’humilité, de patience et de courage pour plonger dans son intériorité pour se donner le droit de les exploiter enfin !

Evidemment, il arrive que certaines personnes aient peur d’aller explorer leur ombre car ce qui a été enfoui dans l’inconscient peut se manifester violemment au fil des années. Disons que le caractère sauvage de l’ombre donne parfois l’impression qu’elle incarne un mal moral à éviter. Et même s’il est vrai que l’ombre a une nature difficile qui exige que l’on se pose des questions difficiles à répondre, c’est une grave erreur que de penser cela car nous avons les moyens d’apprivoiser l’ombre pour se réconcilier avec elle en la transformant en véritable force créatrice. C’est ce que nous découvrirons dans une prochaine vidéo.

Si nous n’avions qu’une mission à accomplir dans la vie, je dirais qu’il s’agit d’accepter de réintégrer pleinement “notre ombre”, promesse de notre équilibre et épanouissement.

Ambre Cazaudehore

Ambre Franrenet Cazaudehore est une praticienne psychocorporelle, née le 23 avril 1979. Elle a écrit plusieurs livres et donné des conférences et formations en développement personnel. Elle partage son temps entre ses consultations en région parisienne et à Montauban. Mère d’un petit garçon et belle-mère de deux adolescentes, elle anime régulièrement des stages pour favoriser l’autonomie et la pleine conscience.

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