« Embrigadement volontaire » pourrait paraître un oxymore assez étrange, et pourtant c’est quelque chose que beaucoup d’entre nous ont tendance à faire à certains points de nos vies et ce, avec plus ou moins de conséquences néfastes et insidieuses. L’embrigadement est le fait de faire entrer quelqu’un, par contrainte ou par persuasion, dans une organisation fondée en général sur l’autorité (Dictionnaire Larousse), alors comment ceci pourrait devenir quelque chose de volontaire, comment peut-on volontairement renoncer à sa propre autorité sur soi-même ? Il s’agit là d’une conséquence directe de l’idéologie, mais alliée à un émotionnel puissant. L’embrigadement volontaire est quelque chose qui va mettre le cerveau dans une capacité à limiter ses fonctions corticales, c’est-à-dire ses capacités de raisonnement construits et critiques, dans des situations particulières.

Comme je les appelle souvent ainsi, il s’agit d’un des pièges que peut vous tendre votre cerveau et dont il faut vous méfier. L’embrigadement consiste à se plonger dans une situation où l’on perd une plus ou moins grande partie du contrôle que l’on a sur nos capacités à utiliser nos fonctions corticales (c’est-à-dire à faire les choses en bonne intelligence, en gardant un œil critique sur les choses) en se soumettant, même en s’abandonnant, à une autorité extérieure à la nôtre. Dans le cas présent, c’est quelque chose que l’on fait de manière volontaire, souvent sans consciente des finalités et ses implications c’est vrai, mais volontaire malgré tout. C’est-à-dire que cela ressemble à un choix réfléchi, mais il s’agit d’un abandon inconscient.

Comment est-ce que cela fonctionne ? C’est un peu (beaucoup) à cause de votre cerveau qui cherche à prendre un raccourci un peu radical pour se sortir d’une situation douloureuse. Beaucoup de personnes, à certains moments de leurs vies, se trouvent plongées dans une détresse émotionnelle plus ou moins profonde, ce sont des choses qui arrivent et sur lesquelles nous n’avons pas forcément de contrôle si elles sont dues à des événements tels qu’une perte d’un être cher, quand votre monde semble s’écrouler autour de vous,… Vous le savez certainement, cette souffrance émotionnelle va causer des dégâts sur votre cerveau et sur votre corps, sans même parler des sensations physiques que l’on ressent. Si une telle période se prolonge dans le temps et qu’une constante de désespoir d’installe peu à peu, une personne sera fortement fragilisée émotionnellement, physiquement et psychologiquement. Un jour, elle vient à croiser une personne, une situation, un événement, un moment qui vient lui apporter, même très brièvement, un cocktail exactement opposé à son ressenti et son état habituel… c’est la révélation ! Le cerveau plonge dessus comme un addict en manque. La personne se sent vivante à nouveau, capable de ressentir de belles émotions, elle sent son corps lui répondre, c’est un état de grâce.

Cela n’intéressera pas son cerveau de savoir que ce n’est qu’une dose passagère, que cela ne change pas ses schémas de comportements en profondeur, il se sent bien, enfin, et il va en redemander… c’est le point de départ de l’embrigadement volontaire. On n’essaye plus de réfléchir, on ne se risque pas à remettre en question cette source de bien-être, elle est devenue trop importante, trop vitale. C’est littéralement une addiction. Alors on débranche tout ce qui pourrait risquer de nous faire perdre cela et on plonge dedans, dans l’abandon le plus total on se soumet à cette autorité extérieure dans l’oubli de soi et de ses souffrances.

On oublie ses souffrances, mais évidemment, vous l’aurez compris, elles seront toujours là, exactement où on les avait laissées. L’autorité dont nous parlons est la personne ou l’entité à laquelle nous remettons le contrôle de notre bien-être (qu’elle en soit consciente ou pas, et qu’elle l’accepte ou pas). Il y a donc plusieurs ingrédients qui constituent un bon embrigadement volontaire :

  • Elan émotionnel inverse de celui dans lequel une personne est plongée ;
  • Les doses de bien-être que l’on reçoit sont temporaires et ne viennent pas réellement modifier la source des souffrances ;
  • Absence de remise en question ou de raisonnement critique, on accepte c’est tout ;
  • Abandon d’une partie du contrôle de notre personne à une autorité extérieure.

Ça fonctionne parce que le cerveau n’a plus d’autres solution et que celle-ci est facile. Pour votre cerveau, tout ce qui importe est son état présent, il ne questionnera pas les bienfaits ou les méfaits à long terme. Mais ce qui est intéressant, c’est que cela peut fonctionner à tous les niveaux d’intensité. Vous vous êtes certainement dit « ah, il parle probablement des sectes et comment les gens se perdent dans des cultes avec des gourous ». C’est le cas extrême, c’est vrai, mais il en existe des milliers d’autres qui viennent saper vos capacités à avancer vers un bien-être durable en masquant vos souffrances avec une illusion de bonheur fugace. Ce sont toutes ces choses que l’on essaye de se procurer régulièrement, même au dépend de choses plus essentielles, qui vous permettent d’oublier un état émotionnel l’espace d’un moment : drogue, télévision, match de foot dans un stade, axer sa vie autour des prochaines vacances, l’appartenance à un groupe anonyme qui se rassemble régulièrement (conventions politiques),… l’idée est de lutter contre un émotionnel ressenti négativement et bien installé, et cela peut simplement être de l’ennui, la morosité, le manque d’importance, la dévalorisation, la dépression, la tristesse,… cela fonctionne pour tout !

Quel que soit son intensité ou sa nature, cet embrigadement volontaire tendra forcément à vous éloigner de vos chances de réussir à avancer et grandir et de vous sortir durablement d’une mauvaise passe. Prenez donc bien le temps d’identifier ces addictions potentielles pour voir ce qu’elles essayent de venir compenser. Cela revient à faire des choses qui peuvent être tout à fait normales et agréables pour de mauvaises raisons.

Sébastien Cazaudehore

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